Antisémitisme : Rester vigilants
Ambre Grayman pour Guysen Israël News
Jeudi 26 janvier 2006 à 19:29
Jeudi 26 janvier, et pour la troisième année consécutive, l’Agence Juive a présenté le bilan des événements antisémites qui ont assombri l’année 2005, à l’occasion du Forum israélien pour la Coordination et la lutte contre l’antisémitisme.
Composé de personnalités issues de la sphère politique israélienne impliquées dans le combat contre l’hydre toujours aussi menaçante, ce forum avait été créé à l’initiative de l’ancien ministre israélien de la Diaspora et de Jérusalem, Nathan Sharansky.
La présentation du rapport à la presse a coïncidé avec la tenue, dans la matinée, d’une réunion exceptionnelle du gouvernement dans l’enceinte de Yad Vashem, à l’occasion de la journée internationale dédiée à la commémoration de la Shoa instituée cette année par les Nation Unies.
" J’arrive tout droit de Yad Vashem, et je suis encore sous le coup de l’émotion de cette séance dont le symbolisme m’a particulièrement marqué" a indiqué le président de l’Agence Juive Zeev Bielski lors de la conférence de presse à laquelle assistait également Avraham Hirchson, ministre du Tourisme et nouveau ministre en date d’un portefeuille intitulé 'société israélienne et communauté juive mondiale', et Amos Hermon, responsable du département de l’éducation au sein de l’Agence Juive.
"J’ai grandi à Jérusalem à une époque où l’on voyait de nombreuses personnes au bras tatoué d’un numéro. Lorsque je demandais à ma mère la raison de cet étrange signe, elle éludait toujours la réponse. Ce n’est que de nombreuses années plus tard que j’ai appris que la quasi-totalité de sa famille et de celle de mon père avait été exterminée pendant la Shoa" a indiqué Bielski.
"Depuis plusieurs années, l’Agence Juive a pris sur elle de lutter contre l’antisémitisme. Le rapport que nous vous présentons aujourd’hui met en lumière des résultats qui, selon les pays, sont positifs par rapport à l’année dernière, ou plus inquiétants. Un seul fait demeure constant : l’antisémitisme n’a pas disparu. Quelles que soient ses formes, ce terrible phénomène qui a coûté la vie à 6 millions de juifs continue d’exister et de propager son venin, comme en témoignent les discours du président iranien appelant à la destruction de l’état d’Israël".
Rendant hommage au travail accompli par le gouvernement français pour combattre l’antisémitisme, Amos Hermon a précisé que les événements à caractère antisémite avaient baissé d’environ 50 % en France. Le Royaume Uni a également enregistré une baisse dans ce domaine (de 330 à 300) et créé un comité chargé d’enquêter sur les cas d’antisémitisme. Pourtant la vigueur des activités des groupes d’extrême gauche britanniques visant à boycotter Israël et ses institutions, demeure inquiétante et propice à une nouvelle vague d’antisémitisme selon le rapport du Forum.
Contrairement à l’Europe qui a semblé prendre pleinement conscience de la gravité du problème et mis en place des outils administratifs et judiciaires adéquats, la Russie et l’Ukraine ont enregistré un triste record des actes antisémites sur leurs sols. Illustrant cette ambiance des plus inquiétantes, Bielski a cité l’exemple du jeune étudiant juif de Kiev frappé à mort par des antisémites, et rapatrié en Israël pour des soins intensifs. Tracts antisémites, graffitis et violations de sépultures juives ont également significativement augmenté en 2005 dans cette partie du monde.
"Il ne s’agit pas d’un antisémitisme d’état comme ce fut le cas sous les gouvernements communistes, mais bien à d’un antisémitisme populaire" a déclaré Hermon, tout en dénonçant l’absence de mesures judiciaires sévères destinée à endiguer cette dangereuse tendance.
En Amérique Latine, si les événements antisémites ont relativement baissé, l’activité des néo nazis a, en parallèle, largement augmenté, contribuant à créer un climat d’insécurité pour les juifs.
Zeev Bielski a tenu à annoncer son intention de donner aux jeunes juifs de Diaspora les outils pour se défendre face aux agressions antisémites dont ils sont les victimes. "Les juifs doivent cesser d’avoir peur de se défendre, doivent cesser d’être silencieux et doivent cesser d’être faibles. C’est la raison pour laquelle Israël se tiendra à leurs côtés afin de les soutenir dans ce combat".
Amos Hermon a présenté le rapport comme une analyse de la tendance, et non pas comme une série de résultats chiffrés. "Nous devons être extrêmement vigilants avec ces chiffres qui ne comptabilisent 'que' les actes antisémites à caractère violent. Chaque événement qui nous est communiqué est scrupuleusement vérifié par nos soins. En outre nous attendons également les chiffres de l’ADL qui nous permettront d’avoir une vue d’ensemble de la situation aux États-Unis".
Prenant la parole, Avraham Hirchson, qui fut à l’initiative de la 'Marche des Vivants', a tenu à rappeler que l’extermination de 6 millions de juifs n’avait pas commencé à Auschwitz et Birkenau. "Cela s’est terminé là-bas. Mais ça avait commencé 10 ans auparavant avec les programmes éducatifs des écoles européennes, lors de la destruction de magasins juifs ou de synagogues. La question est de savoir si le monde a compris la terrible leçon. Par moment il semble que oui, avec par exemple l’institution par les Nations Unies de cette journée internationale dédiée à la commémoration de la Shoa, et parfois non, comme lorsque l’on apprend que des cimetières juifs ont été profanés que des juifs se sont fait insulter ou tabasser, ou encore lorsqu’un président appelle à la destruction du seul pays dans lequel les juifs peuvent se sentir légitimement en sécurité".
Poursuivant la même thématique que celle exposée par Bielski, Hirschson a dénoncé les conseils selon lesquels les juifs devaient faire profil bas face aux événements antisémites. "Que l’on cesse de nous répéter que ce sont nos réactions ou nos déclarations qui génèrent ou renforcent l’antisémitisme. Que l’on n’oublie jamais que ce sont les antisémites qui suscitent l’antisémitisme et non les juifs. Désormais nous devons consacrer tous nos efforts à l’éducation de nos jeunes générations. Seule l’éducation de la mémoire de nos jeunes sera à même de lutter contre les tentatives de nous annihiler à nouveau ou de faire croire que la Shoa n’a jamais existé".
Venant corroborer les inquiétudes des différents responsables de ce forum, le ministre Hirchson a cité une information rapportée par le Yediot Aharonot selon laquelle un ignoble article se serait malencontreusement glissé dans le document officiel distribué aux 2500 participants du sommet de Davos en Suisse. Le pamphlet véhicule les plus vieux clichés antisémites selon lesquels Israël et le peuple juif dirigent le monde, et appelle à la création d’un sommet international contre le sionisme et l’apartheid. Ce condensé de haine et de calomnie a suscité la colère du gouvernement israélien. " Nous demanderons des explications, car l’état d’Israël ne saurait tolérer qu’une telle incitation à la haine et à l’antisémitisme puisse circuler librement dans un sommet économique aussi important que celui qui se tient en Suisse chaque année" a indiqué Hirschson.
