Dans l’enfer d’une prison Syrienne.
« L’enfer » sur terre.
Longtemps on n’a rien su du drame de milliers de Libanais déportés en Syrie. La chose est maintenant révélée.
Ali Abu Dehen menait de la journée une vie normal. Presque normal, excepté que maintenant il parle très doucement, marche sur la pointe des pieds et ne peut remuer normalement ni les bras ni les jambes ni les mains ni les pieds. Ses nuit sont peuplées de cauchemars qui le ramènent dans le monde des geôliers syriennes. « L’enfer existe ; j’en reviens », affirme-t-il.
En 1987, alors que la guerre civile battait son plein au Liban, Ali se rendit à Damas. Il en avait assez de la misère et voulait obtenir un visa pour l’Australie. L’ambassade australienne, comme celles de la plupart des pays, avait été transférée en Syrie à cause de la guerre. Mais au lieu de connaïtre le paradis australien, Ali vit s’ouvrir devant lui le chemin menant à l’enfer de la détention préventive syrienne. Il fut arrêté, accusé d’espionnage en faveur d’Israël, manifestement parce que, comme petit entrepreneur en construction, il s’était rendu plusieurs fois dans le Sud-Liban occupé par Israël. Ali devint un des nombreux « disparu » du Liban. Les 13 années suivantes, il les passa en prison.
« J’ai passé les dix premiers mois dans une cellule plongée dans l’obscurité, de 90 cm de large et de 1,90 m de haut, noire comme la nuit », raconte-t-il. La porte s’ouvrait deux fois par jour : à 6 heures du matin et à 6 heures du soir. On lui accordait alors deux minutes pour se laver et pour ses besoins. « Celui qui n’était pas prêt à temps, était arraché, à moitié nu, de la toilette et ramené à coup de bâton dans la cellule. »
Ali était soumis à des interrogatoires, chaque fois sous la torture. « Il y a des gens qui se demandent comment ‘aller sur la lune’. Les Syriens s’ingéniaient à imaginer des méthodes de tortures », dit Ali.
Le coude : deux hommes saisissent le bras et le cassent à l’articulation. Ali ne peut plus plier ses bras.
Le pneu : Premièrement ce sont les pieds qui sont mis dans le pneu, et ensuite la tête. Ils vous couchent les pieds vers le haut. Viennent alors les coups de fouet sur la plante des pieds : 400coups, 500 à l’aide de lanières de caoutchouc.
La longue main : des heurs durant, on est suspendu par un seul poignet.
Aujourd’hui, il y a un espace de deux centimètre sous sa peau, sans os.
« Pour finir, j’ai tout simplement ‘avoué’ d’avoir bu du café avec Menahem Begin ( le chef du gouvernement israélien de l’époque) »,dit encore Ali. Ali est un homme doux.
Un rat le remarqua aussi ; il lui rendait visite chaque mati dans sa cellule. Il y avait là le déjeuné avec 10 grammes de fromage qu’il donnait à l’animal. Celui-ci, invisible dans l’obcurité, se blotissait contre l’homme qui lui parlait : « Va voir ma famille, et dis-leur que je les aime. »
Des gardes ont découvert le trou par lequel le rat passait. On le bétonna. L’homme fut battu, mais plus douloureuse encore fut la perte de son petit ami.
Après pratiquement une année, Ali fut transféré à la prison de Tadmor à Palmyre, dans une cellule de 15 mètres de long, de 5,6 m de large et de 3 m de haut. 145 prisonniers y étaient entassés « 99 hommes pouvaient s’allonger par terre, pas davantage », raconte encore Ali. Cela dura quatre ans, avec des interrogatoires et des coups journaliers. Il y avait une ouverture dans le plafond de la cellule pour permettre aux gardes de nous observer continuellement. Celui qui regardait vers le haut, essuyait des coups de fouet dans les yeux qui finissaient par se gonfler jusqu’à se fermer. Quelques-uns ont ainsi perdu la vue. »
Au bout de quatre ans et demi, il passa devant un tribunal militaire. La séance dura deux minutes. Il fut déclaré coupable d’espionnage et condamné à la prison à vir. Il fut alors transféré dans une prison plus agréable à Saïdnaia. A l’aide d’une aiguille faite d’os de poulet et de fil de plastique fondu, il cousit les quatre lettres « HHHH » dans la ceinture du pentalon d’un codétenu qui devait être libéré. Ces quatre lettres sont les initiales des mots arabes signifiant : « Prépare-toi, ton amoureux vient ». Ce camarade montra le pentalon à l’épouse d’Ali. Ce n’est qu’après cinq ans qu’elle apprit pour la première fois que son mari était encore vivant. 2000, le président syrien, Afis el-Assad, mourut et son fils Bashar lui succéda. Ce dernier libéra 600 prisonniers politiques, parmi eux Ali. Mais sa femme ne l’apprit qu’au moment où Ali frappa à la porte de sa maison. Depuis, il se fait le porte-parole de ses compagnons d’infortune, car ils sont encore nombreux à être emprisonnés en Syrie. Ali ne reçut l’aide de personne et, très longtemps, il ne trouva pas de travail. Par contre, des manaces de mort luiparvenaient régulièrement. Sa femme préférerait qu’il se taise, comme les autres. « Les journalistes viennent et partent avec une bonne histoire », dit-elle. « Mais Ali reste avec sa tristesse.
Tout cela le replonge dans l’Horreur. »
Boris Kalnoky ( DW)
Source de Nouvelles d’Israël 06/ 2005.